Depuis près de trois ans, la new romance a fait son apparition dans les librairies sur nos écrans. Entre augmentation des ventes et prévention envers un public jugé trop jeune, la new romance se fait une place. Son exposition progressive sur les réseaux sociaux pose-t-elle un problème ou au contraire, est-elle une aubaine pour les vendeurs ?
La saga à succès After d’Anna Todd, lance la new romance. Ce genre, souvent soumis à la controverse, est toutefois à distinguer de la romance ou même de la romance érotique.
Lors d’une interview, Alice Naudin, créatrice de contenu depuis trois ans, explique que la new romance entre dans un triptyque avec les deux autres genres littéraires plus connus. « La romance ça parle du couple, la new romance le fait aussi mais intègre des relations sexuelles sans pour autant les rendre trop explicites, pour la romance érotique c’est limite comme si tu regardais un film pornographique ».
LA new romance sort de l’ombre
D’une certaine manière, ce genre littéraire a toujours existé, seulement sa visibilité a changé avec l’influence des réseaux sociaux. La responsable rayon romance / new romance / thriller / mange de la librairie Gibert Joseph de Poitiers, explique que c’est le Pass’Culture, un avantage cadeau pour les jeunes âgés de 15 à 18 à ans, qui a fait augmenter les ventes.
Pour les créatrices de contenus, comme la jeune étudiante strasbourgeoise Laura Ludwig, connue également sous le pseudonyme Goodasbooks sur Instagram, c’est le premier confinement de 2020 qui a marqué le début du succès de la new romance. « On était tous chez nous, on avait le temps donc je pense que beaucoup se sont mis ou remis à lire » raconte-t-elle. Les réseaux sociaux ayant eu aussi fait l’objet d’une explosion d’installations lors de cette même période, a été l’outil numéro un du confinement il y a trois ans.
Ensemble, les réseaux sociaux représentent 40% des ventes en librairie et ce chiffre est en constante évolution, avec les milliers de vidéos sur le sujet, diffusés sur Instagram, TikTok ou encore YouTube bien qu’à l’heure actuelle, le site d’hébergement de vidéos connaisse une popularité plus faible pour la critique littéraire.
C’est le réseau social chinois TikTok qui a été le précurseur de cette nouvelle tendance. Le Chant d’Achille de Madeline Miller paru en 2015, ou encore le roman Jamais plus de l’américaine Colleen Hoover, publié l’année suivante, sont les deux premiers ouvrages à lancer ce mouvement de revue littéraire sur TikTok, conduisant ainsi les deux ouvrages à connaître un réel succès de ventes entre 2020 et 2021.
Les maisons d’éditions se lancent alors sur les réseaux sociaux, en constatant l’impact que ces plateformes peuvent avoir sur les chiffres de vente. Mettant en avant les prochaines sorties sous forme de contenu humoristique ou en story plus neutres, Gallimard, Hugo Roman ou encore BMR constatent l’ampleur des réseaux sociaux ainsi que des créateurs de contenus, qui permettent de booster les ventes, mais aussi d’attirer ou de fidéliser les lecteurs.
Certaines maisons d’éditions vont même aller jusqu’à proposer à des influenceurs livresques de faire de que l’on appelle des « services presses » ou des « SP ». L’objectif des de faire la promotion d’un livre avant sa sortie, comme pour les tournées promotionnelles de films avant leur sortie sur le grand écran.
Les influenceurs sont contactés puis reçoivent un exemplaire. Ils doivent dans un bref délai, lire le roman, faire un retour et réaliser une revue littéraire sur leurs réseaux sociaux.
L’intérêt de créer du contenu littéraire ?
Les contenus fusent sur les réseaux sociaux. Unboxing, revue littéraire ou encore liste de livres à lire, Alice Naudin, le.pacte.de.lili sur Instagram et TikTok, explique qu’elle s’est lancées sur les réseaux sociaux dans le but de partager ce qu’elle pense de ses lectures.
C’est un moyen, d’après Laura Ludwig, de « pouvoir partager sa passion », de rencontrer des personnes qui partagent cet attrait pour la new romance, mais également pour d’autres genres littéraires.
Mais alors, comment se fait-il qu’Instagram et TikTok soient devenus en peu de temps, les outils phares de création de contenu pour ce format ? Le confinement, comme évoqué précédemment, a tout d’abord engendré une explosion d’adhésion au réseau social chinois qui a gagné en popularité en 2020 avec les fameux « tiktokeurs ».
Ces influenceurs, américains pour la grande majorités, se filmant en train de réaliser des danses sur des musiques du moment dans un temps imparti de quelques minutes, se sont démarqués pendant cette période de crise sanitaire.
Au total TikTok a enregistré plus de 700 millions de nouveaux utilisateurs sur cette période, le faisant passer devant le géant des réseaux sociaux, Facebook.
Pour autant, depuis quelques temps, TikTok se retrouve au coeur des critiques dans certains pays qui appellent à la censure du réseau social sur les plateformes de téléchargement de leurs pays, en raison d’un manque de protection et de contrôle des contenus haineux (antisémites, homophobes, racistes, pédophiles). Les mineurs étant les premiers utilisateurs voire créateurs de contenus sur ce réseau social, la question du manque de surveillance ressort et met la réputation du grand réseau social chinois en péril.
C’est aussi pour cette raison que les deux créatrices de contenus, affirment favoriser l’usage d’Instagram à celui de TikTok. « Instagram c’est plus facile pour interagir avec les gens. Alors que TikTok tu peux plus facilement être critiqué pour ce que tu fais, ou être dans des dramas parce que tu apprécies ou pas un livre qui fait parler à un moment donné » témoigne Alice.
Le jargon de la new romance
Le phénomène new romance étant désormais connu à grande échelle, est devenu comme l’emblème d’une communauté à part entière, avec un code langagier qui lui est propre.
En consultant les comptes TikTok mais aussi Instagram de certains influenceurs livresques les plus connus, comme nous_les_lecteurs qui n’a pas pu répondre à nos questions, Goodasbooks ou encore le.pacte.de.lili, on constate qu’un lexique, qui peut en perdre plus d’un, existe.
On parlera donc d’une « PAL » pour faire l’acronyme de la pile à lire, autrement dit des livres de notre bibliothèques mais qui ne sont pas encore lus, d’une « trope » pour parler de la thématique du livre, ce qui va caractériser la relation des protagonistes : enemy to lovers, rival to lovers, friends to lovers,… Mais également de « smut » pour des livres qui décrivent des scènes à caractère sexuel relativement explicite, ou de « lemon » qui détaille des scènes plus sensuelles que sexuelles.
Pour aider les rookies de la new romance, certains influenceurs réalisent de courtes vidéos explicatives sur les termes généraux, souvent utilisés dans ce milieu.
La notoriété, un terrain glissant ?
Grâce à ce réel boom de popularité concernant la new romance à travers les réseaux sociaux, les influenceurs livresques, qui sont pour la plupart des femmes pour cette catégorie de livre, gagnent en notoriété et se font une place dans le monde médiatique.
Devenant reconnus pour ce qu’ils produisent sur Instagram, TikTok voire sur YouTube, une partie d’entre eux peut être rémunérée pour le contenu publié sur leurs pages. Cette récompense monétaire permet de valoriser le travail fourni et renforce la popularité du créateur de contenu.
Certaines personnalités reconnues à plus ou moins grande échelle dans le domaine du livre, se voient être contactées par des maisons d’éditions mais aussi par des auteurs, pour réaliser des services presse ou pour juste échanger suite à une revue publiée.
Alice explique qu’il lui arrive de discuter sur les réseaux sociaux avec des auteurs concernas leur dernier livre. Pour l’anecdote le.pacte.de.lili a été invité, le 8 mars dernier, à l’inauguration de la librairie « Comptoir du rêve » à Toulouse, qui est spécialisée dans la romantasy, mélange comme son nom l’indique de romance et de Fantasy. En plus de cela, il lui est déjà arrivée de réaliser des premières lectures de romans, avant que celui-ci ne soit envoyé en maison d’édition, pour la correction et la publication de l’ouvrage.
Malgré tout, la popularité que certains peuvent gagner en produisant du contenu, à son revers de médaille. Nombreux sont les créateurs dans le domaine de la new romance, qui se détournent de la raison initiale pour laquelle ils ont commencé à publier sur les réseaux sociaux. C’est le cas des influenceurs en général qui en viennent à ne jurer que par les placements de produits, par le nombre d’abonnés et le nombre de « j’aime » sous leurs publications.
Les influenceurs livresques se mettent à « lire pour lire » suppose Alice, et ne lisent plus pour leur plaisir, mais pour produire un contenu régulier afin de ne pas perdre leur communauté sur les réseaux sociaux. « Tu rentres facilement dans la spirale de produire juste pour l’argent je pense », témoigne-t-elle.
C’est entre autres pour cette raison que le.pacte.de.lili ne désire pas être rémunérée. Bien qu’elle le pourrait, elle a peur de perdre de vue son objectif principal « lire et partager ce que j’aime ». Il lui est déjà arrivé de faire des pauses, car elle prenait conscience de sa trop grande implication dans le nombre d’abonnés ou de réaction sous ses posts, qui peuvent nuire au plaisir de lire.
La new romance fait l’objet de nombreuses critiques de la part des non-lecteurs qui jugent ce genre comme étant non-littéraire, que ce qui est raconté ce sont des relations d’amour « comme dans les bisounours ». Mais ils ne sont pas les seuls à s’exprimer sur le sujet, puisque les créateurs de contenus eux-mêmes prennent la parole concernas leur désaccord, sur le fait que des lecteurs mineurs lisent des livres qui contiennent des scènes choquantes (violence, sexe, drogue, suicide,…) pour un public qui n’est pas assez mature et averti.
Il ne faut pas pour autant nier le fait que les réseaux sociaux jouent en effet un grand rôle concernant les chiffres de ventes de nombreux livres, et pas que de la new romance. C’est une façon différente de faire de la publicité. Pour autant, cet engouement autour de la relation littérature-réseaux sociaux naissante, commence peu à peu à apparaître à la télévision, avec notamment la publicité réalisée par le réseau social chinois, intitulé « TikTok, une fenêtre sur le monde ».
C’est une manière de témoigner de l’impact grandissant de cette tendance sur le monde du livre, qui mérite de sortir à nouveau de l’ombre et à se moderniser.